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Dimitri Shostakovich: Symphonies 1 ? 15. Orchestral works Reviews and Opinions
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Rozhdestvenski - Chostakovich : une rencontre majeure, 27 mai 2009
Par MESNIER NATURE Nicolas "LE DISCOPHAGE" (Besançon, France) - Voir tous mes commentaires(TOP 50 COMMENTATEURS)
(VRAI NOM)
Ce commentaire fait reference à cette edition : Dimitri Shostakovich: Symphonies 1 à 15. Orchestral works (CD)
Enregistre dans de bonnes conditions techniques durant les annees 80, le cycle des symphonies de Chostakovich par Guennadi Rozhdestvenski est un des sommets incontournables dedies à ces oeuvres essentielles du XXè siècle musical. Ami du compositeur, son importance dans la (re)decouverte de certaines de ses compositions n’est plus à demontrer (première representation du Nez à Moscou en 1974, premières discographiques - dont les ballets l’Age d’or, le Boulon et le Clair ruisseau, l’operette Moscou-Cheremushki, etc.) Ici, avec "son" orchestre de l’Orchestre du Ministère de la Culture de l’URSS cree pour lui en 1982 et à la formation ideale, fidèle à son esprit debonnaire teinte d’humour et d’ironie debordant d’une formidable energie, le chef russe est "chez lui".
La symphonie 1 tout en contrastes, passant sans complexe du fortissimo le plus eclatant au pianissimo le plus doux, devient un jeu de solistes etourdissant (mouvements I et II); le III, premice de ce que seront les futurs mouvements lents, nage dans le pessimisme absolu avec ses solos esseules flottant sur un accompagnement lugubre des cordes; le Finale est fracassant de cuivres et de percussions.
La symphonie 6, "sans tête", forcera notre attention à une ecoute en quasi apnee durant la dernière moitie du I: on retient sa respiration sur des solistes faisant entendre leur frêle voix dans une atmosphère de
totale desolation ; l’ironie des II et III evite avec bonheur la vulgarite.
La symphonie 5 evite quant à elle de tomber dans le sentimentalisme de bien des version occidentales : ici, les phrases sont secs, les phrases courtes et hocquetantes, le chant serre, la terreur garantie à 9’20 avec l’entree des cuivres et des timbales; l’Allegretto est diabolique et le Largo d’une infinie tristesse; le Finale est d’un optimisme dans les premières et dernières mesures, qui evite à mon sens l’ambiguïte que l’on peut donner au dernier accord fortissimo des cuivres.
La symphonie 9 est pour Rozhdestvenski "l’une des oeuvres les plus importantes de la musique russe" : quoiqu’on en pense, le style de cette composition convient idealement à la patte du chef, mais, avec un Largo intense au tempo particulièrement lent, il lui donne une couleur globale plus pessimiste que d’habitude.
Ce volume consacre aux symphonies 2, 3 et 4 sera le plus difficile de la serie : hormis la suite Hamlet (à ne pas confondre avec la musique eponyme faite pour le film de Kosinzev en 1963), petit bijou d’orchestration et l’ouverture op.23 stylistiquement dans le style de son opera le Nez et où excelle le chef russe, les 3 symphonies s’adressent à un public averti.
La n°2 "dediee à Octobre" est la plus courte (~20 mn) et reste la plus moderne de toutes : le grouillement sonore du debut (4’) est stupefiant, la suite rappelle par moment les superpositions de Ives; 7 minutes avant la fin, des choeurs font leur entree, apaisant le climat mais faisant à mon avis un peu trop contraste avec le decor jusqu’à present futuriste.
La n°3, sous-titree "Premier mai" est la plus creuse de toutes(avec la 12), et il faut bien avouer que les quelques 30 mn s’achevant à nouveau par un choeur à la toute fin ne sont jamais arrivees à me convaincre.
Par contre, chef-d’oeuvre, la n°4 nous transporte dans un tout autre monde : les deux mouvements extrêmes de 28’ encadrent un "moment-detente" de 10. L’orchestre est gigantesque, l’ecriture très elaboree, le message complexe. Rozhdestvenski, qui en a dirige la première à l’etranger, est magistral (ecoutez par exemple ses fffff apocalyptiques!) quoique un "chouïa" en dessous de son createur en Russie, Kondrachine.
Ce double album majeur des symphonies 7 et 8 est un must : les grandes fresques sonores des deux symphonies "de guerre" dominent encore une fois la discographie et supportent la comparaison non seulement avec les versions occidentales mais aussi avec les versions russes, Mravinski et Kondrachine en tête.
Symphonie 7 : le crescendo dantesque mene à la manière d’un rouleau compresseur mais subtilement contrepointe par Rozhdestvenski restera dans les memoires (de 5’50 à 17’45 !); le chef ne lâche pas la tension et pousse la peroraison jusqu’à 20’ dans un formidable etat de tension exterieure. Le II laissera la place à une tension cette fois interieure - ecoutez par exemple les vibratos de flûtes de 7’32 à 9’05 donnant l’impression d’un tremblement de peur; la machine orchestrale tournera à plein regime dans le Finale après la "pause" de l’Adagio. Le chef prend son temps et la peroraison finale ressemble plus à une pesante fatalite qu’à une glorification quelconque.
La 8è, partition majeure peut à la première ecoute sembler molle, un peu "tranquille" dans certaines attaques (les toutes premières notes aux cordes par exemple à comparer avec la dense nervosite d’un Sanderling ou la fougue revoltee de Kondrachine) et dans certains tempi (l’Allegro non troppo n’a rien d’urgent, mais Rozhdestvenski respecte scrupuleusement il est vrai le "non troppo"), donnant à l’ensemble une couleur tout à fait particulière, bien dans la lignee "noire" de Mravinski.
Le complement propose les chansons-polemiques ecrites pour la pièce de theâtre du Roi Lear en 1940, parfois très courtes, avec le grand Nesterenko; dommage qu’on n’ait pas l’integralite des textes...
Une des plus enregistrees avec la cinquième, la 10è par Rozhdestvenski merite qu’on s’y arrête : il est en effet un des rares - peut-être le seul - à prendre le contre-pied des versions ultra pessimistes ou neo-classiques rattachees à cette oeuvre. Non pas que le I manque de tension, mais on y sent autre chose qui tendra à se confirmer au fur et à mesure du deroulement musical. Ainsi, dans le II, la sauvagerie brutale qui y est d’habitude attachee reste ici temperee, le III ne cache pas son côte debonnaire, sans urgence ni angoisse (solo de basson), sans attente morbide. La signature personnelle du compositeur au cor (DSCH) en perd même de son mystère par son evidence ; le thème à 8’00 en fanfare a une allure de pesante valse paysanne ; le staccato de la flûte finale ressemble à de discrets hoquets de rire plus qu’à des soubresauts sanglotants. La partie rapide du Finale est le terrain ideal pour enfin dire clairement ce qu’on a pressenti tout bas depuis le commencement : une folle bacchanale, une fête « post-petrouchkienne » très coloree. J’aurais tendance à y voir la rejouissance interieure de Chostakovitch exultant secrètement de la mort toute proche de Staline...
La 11è symphonie est une des meilleures reussite de Chostakovich dans le domaine « descriptif » : Rozhdestvenski la joue complètement, dans des tempi parfois très larges, et fait tourner à fond la machine orchestrale. La partie bien connue du II decrivant l’attaque du peuple à la mitraillette par les troupes du tsar (de 13’ à 18’) pourra surprendre par son extrême lenteur, surtout dans sa seconde partie, alors que l’on attend au contraire une urgence par la fuite panique devant le massacre. Mais le chef russe nous a dejà habitue à pareilles remises en cause...
Ce double album est à mon goût un des plus faibles de la serie. Je ne chipoterai pas longtemps sur la symphonie 12, une des plus faibles partition de Chostakovich, traînant en longueur - et les tempi du chef n’arrangent rien - d’où les conflits musicaux, le sens de la parodie et de l’autoderision, du sarcasme, de l’ironie grinçante sont totalement absents pour notre plus grand ennui.
La symphonie 13 au contraire est une partition majeure, très riche dans le contenu musical et poetique. Cependant, compare à Kondrachine, les tempi sont extrêmement lents, finissant par donner une impression de sur-place assez pesante (que l’on n’eprouve pas avec Haitink ou Jarvi aux tempi pourtant quasiment identiques) finissant par engluer le discours et en faire perdre sa continuite. Le soliste est aussi un peu « mou » (vibrato) mais ne manque pas d’emotion (III). Enfin, la prise de son privilegie les choeurs, trop mis en avant et parfois assourdissants par rapport à l’orchestre.
Le concerto pour violoncelle n°1 n’a pas la puissance du second, mais cette partition convient bien au chef et au soliste, tous deux excellents dans l’engagement : bien ironique, bien grinçant, sans etalement de virtuosite ; on y croit sans problème.
Les 8 preludes sont une selection en forme de suite orchestree par Milko Kelemen des 24 preludes pour piano qui tend à prouver une fois de plus (dixit les quatuors par Barshaï) la dimension naturellement symphonique des compositions pour instruments de Chostakovich.
Les deux dernières symphonies de Chostakovich, où rode la mort, sont certainement les plus redoutables à interpreter, et bon nombre de grands chefs s’y sont fourvoyes (je ne cite personne). La 14è est entièrement chantee en russe (contrairement à Haitink). La conception globale du chef semble vouloir relier l’ensemble au monde de l’opera tant il sait se faire un accompagnateur relativement discret. Les chanteurs le suivent sur cette voix en traitant leur partie sans angoisse excessive dans la veine du « beau chant ». On ne ressort pas traumatise par cette experience, comme on peut l’être après avoir ecoute l’enregistrement de la creation en 1969 par Barshaï, reference apocalyptique absolue.
La 15è de Rozhdestvenski joue la carte de l’ironie ; rapides et sardoniques, très contrastes, certains moments rappellent l’opera « le nez » que le chef connaît bien pour l’avoir cree et enregistre le premier. Le I et le III rentrent dans cette optique ; la noirceur n’y est pas le but en soi. Le II est assez lent, toujours très contraste (cf. le climax !) et les solistes ne recherchent pas à mettre en valeur la beaute sonore de leur partie. Dans le Finale, on a l’impression que le chef travaille moins le detail poetique que la vision globale.
Les complements, melodies avec orchestre peu frequentees au disque si ce n’est justement « en complement », sont les bienvenus, et leur interpretation tout à fait convaincante. Un seul regret : l’absence de textes.
Le double volume n’appartenant pas au grand cycle symphonique constitue cependant un complement de choix dans la connaissance de Chostakovich. La majorite des oeuvres presentees ont ete composees dans les annees 20/30, celles où la modernite et le non-conformisme du compositeur furent le plus marquants, decouvertes et en partie reconstituees par Rozhdestvenski.
Les iconoclastes « Conte du pope et de son valet Balda », musique realisee pour un dessin anime, « Le grand eclair », opera-comique inacheve, et « La punaise » pour une pièce de theâtre sont sans nul doute du grand Chosta rappelant le non moins deroutant « Nez ». Les musiques accompagnant les films « Seul », « Les aventures de Korsinkina » et « Les montagnes d’or » attiseront la curiosite avant de se lancer dans une exploration plus complète de ce genre auquel Chostakovich donnera beaucoup d’excellente chose (voir le coffret integral chez Cappricio). Les op.1 et 3, ainsi que l’op.7 resteront des curiosites de conservatoire. Les 6 transcriptions reveleront le maître-orchestrateur qu’il etait (voir les sonates de Scarlatti pour ensemble à vents ! et le fameux « Tea for two ») Enfin, la musique vocale n’est pas en reste avec les 2 fables d’après Krylov, et la romance Printemps, printemps d’après Pouchkine dans d’excellentes interpretations. A noter que la Suite pour orchestre de jazz n°1 ne comporte pas la très fameuse Valse qui figure dans le Suite n°2, helas pas enregistree ici.
(Très) bonnes prises de son en general et livrets français excellents mais malheureusement pas de textes pour les parties chantees.
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Remarques sur ce commentaire (2)
2 internautes sur 3 ont trouve ce commentaire utile :
5.0 etoiles sur 5
Une somme symphonique, 9 janvier 2011
Par musiclover - Voir tous mes commentaires
Ce commentaire fait reference à cette edition : Dimitri Shostakovich: Symphonies 1 à 15. Orchestral works (CD)
Mravinsky n’ayant pas complete d’integrale, seule la version Kondrachine peut rivaliser avec cet ensemble. Chez Rozhdestvensky, la prise de son et les timbres sont plus opulents. Une vision aux sonorites moins âpres, mais la conception est tout aussi noire, mêlant le grandiose et le grotesque, l’ironie à fleur de peau et le grandiloquent vulgaire. Le chef a d’indiscutables affinites, une vision idiomatique donc, plus confortable d’un point de vue sonore que les grands frères russes, mais tout aussi derangeante et perturbante.
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