mercredi 15 février 2012

Herbert Kegel dirige : Symphonie Fantastique - Concertos pour violon & alto - Gurrelieder - War Requiem - Carmina Burana - Pulcinella - Le Chant du Rossignol - Wozzeck (extraits) - Moïse et Aaron etc


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Herbert Kegel dirige : Symphonie Fantastique - Concertos pour violon & alto - Gurrelieder - War Requiem - Carmina Burana - Pulcinella - Le Chant du Rossignol - Wozzeck (extraits) - Moïse et Aaron etc Reviews and Opinions



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Derrière le Rideau de fer, il y avait un autre Herbert, 24 juin 2006
Par Melomaniac (France) - Voir tous mes commentaires(COMMENTATEUR N° 1)
  
Ce commentaire fait reference à cette edition : Herbert Kegel dirige : Symphonie Fantastique - Concertos pour violon & alto - Gurrelieder - War Requiem - Carmina Burana - Pulcinella - Le Chant du Rossignol - Wozzeck (extraits) - Moïse et Aaron etc (CD)
"Les enregistrements legendaires de Herbert Kegel" : malheureusement, l’editeur n’a même pas inclus un quelconque livret de presentation dans ce gros boîtier de 15 disques qui se presente comme un hommage. Aussi, rappelons que Kegel est ne à Dresde en 1920. Il y frequenta le conservatoire où Karl Böhm fut son professeur de direction.
Sa carrière est etroitement liee à la Radio de Leipzig dont il dirigea les choeurs et l’orchestre de 1949 à 1978 avant d’en devenir chef honoraire. Il prit egalement en main la Philarmonie de Dresde de 1977 à 1985.
Son style austère et rigoureux le poussait vers la musique moderne et contemporaine. Defenseur des partitions les plus arides, il fut un zelateur infatigable des compositeurs d’avant-garde de l’ex Allemagne de l’Est.
Son dernier enregistrement et son testament spirituel fut le War Requiem de Britten, avant qu’il ne disparaisse en 1990.
Les deux orchestres entendus ici sont ses phalanges attitrees et les prises de son, qui s’echelonnent de 1960 à 1989, sont toutes excellentes.
Tout le contenu de ce coffret n’est pas du meilleur Kegel et tout le meilleur de Kegel n’est pas dans ce coffret, mais le programme est en tout cas fidèle à son repertoire discographique.
Sauf à vouloir montrer qu’un Kapellmeister se devait d’aborder le baroque, on doutera de la pertinence de consacrer un CD entier à des concertos de Vivaldi perclus d’academisme et de bon sentiment malgre la qualite des bois solistes. Les Stravinsky (Pulcinella) et Prokofiev (L’amour des trois oranges) sont fermement agences mais manquent de vigueur et d’esprit de pastiche.
Pour le reste, les interpretations se situent à un très bon niveau, voire atteignent à l’exceptionnel, si ce n’est au "legendaire" revendique par le sous-titre.
Goldmann, Schenker ou Dessau sont emblematiques du repertoire d’avant-garde que defendit Kegel mais font office de remplissage pour combler les CD 1, 2 et 3. Il aurait sans doute ete preferable de leur dedier un volume specifique : les archives de la VEB auraient aisement permis de le completer avec des oeuvres de Hartmann, ou Blacher dont il fut l’elève.
En 1978, l’enregistrement du "Threnos" de Penderecki (etreignante pièce pour 52 cordes en souvenir des victimes d’Hiroshima) nous rappelle le courage d’un homme qui avait ose jouer cette partition au Komische Oper de Berlin malgre les pressions qui s’exercèrent contre lui. Le chef allemand s’y montre moins violent que le compositeur lui-même à la tête de l’orchestre de la radio polonaise, mais il exalte comme personne l’audace de l’instrumentation et l’inventivite de ses procedes bruitistes.
Cette direction analytique, claire et attentive le predisposait egalement à l’accompagnement des solistes, comme le revèlent les meticuleuses lectures des Concertos de Bartok et de Berg avec Davia Binder, Gyorgi Garay et Manfred Scherzer.
L’interpretation la plus surprenante reste cette Symphonie Fantastique de 1984, meconnue, presque meconnaissable, hantee de songes funestes : les Rêveries sont parees d’une lueur crepusculaire qui se laisse à peine percer par des passions perturbantes. Le Bal valse avec une grâce emue et la Scène aux champs, etiree en longueur, devient un thrène wagnerien sur lequel plane le souvenir de la bien-aimee. Assombri, le Sabbat s’entenèbre d’une solennite funèbre dès que resonne le glas des cloches.
La première Symphonie de Chostakovitch surprend egalement par son temperament allusif, etrange, derangeant qui rapproche paradoxalement cette oeuvre juvenile de l’introspection des ultimes opus.
La première Symphonie de Mahler est galvanisee par les somptueuses couleurs de la Philarmonie de Dresde, qui ne demerite jamais face à sa consoeur de la Staatskapelle : opulente, surpuissante, exultante dans le Finale. Kegel avait aussi grave, avec sa compagne Celestina Casapietra dans le Lied final, une magnifique Quatrième, absente du present coffret mais que l’on peut encore se procurer separement.
La lecture de la Quatrième de Sibelius reste un temoignage absolument essentiel : concentree sur le materiau sonore, elle n’offre aucune redemption et manifeste l’âprete et la desolation de cette partition assez proche de l’esthetique de la Seconde Ecole de Vienne. Ce n’est pas un hasard puisque Kegel en etait le specialiste, comme nous le rappellent ces miniatures weberniennes, saisies dans leur dimension aphoristique, ou cette colossale Passacaille de l’opus 1.
Kegel, forme très tôt à la direction vocale, fut aussi un talentueux chef lyrique, avocat des grands operas du Vingtième siècle. Chantes par Hanne-Lore Kuhse en 1965, les trois extraits de Wozzeck donneront envie d’entendre l’integrale qu’il grava huit ans plus tard avec Theo Adam et Gisela Schröter dans les rôles principaux. Le chef allemand detenait une extraordinaire maîtrise pour manier les grandes fresques chorales, comme le montrent ce War Requiem et ces Gurre-Lieder rendus à leur touchante emotion postromantique, ou pour clarifier les structures les plus abstraites tel l’enchevêtrement contrapuntique de Moïse et Aaron.
A l’instar de Jochum, il s’illustra regulièrement dans les cantates et drames sceniques de Carl Orff. On pourrait tout de même discuter du choix de faire figurer les Carmina Burana graves en 1960, fort honorables, plutôt que le remake de 1974, rayonnant de spiritualite et de poesie.
Afin d’eclairer l’image excessivement austère, accreditee par le sevère portrait de la photo du boîtier, gardons le plus souriant pour la fin : ecoutez donc ces Tableaux d’une exposition, exceptionnels de licence interpretative : sans abuser de la liberte consentie par le chef, les pupitres de Leipzig rivalisent de fantaisie, de malice, d’authentique virtuosite individuelle. Cet enthousiasme culmine dans une Grande Porte de Kiev etourdissante où les micros de la VEB Deutsche Schallplatten connurent là un jour terrible !
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